La forge dans le village

A Etueffont, il y a eu plusieurs forges actives, il fut même un temps en 1926, où 5 maréchaux-ferrants oeuvraient au village. Cependant le forge des PETITJEAN reste celle qui vit encore dans la mémoire des anciens d’Etueffont. La forge des PETITJEAN est la dernière à avoir éteint son foyer dans le Territoire de Belfort. Et justement, l’accent doit être mis non pas sur le fait que la forge des PETITJEAN ne se trouve pas exactement au centre du village, mais au contraire sur le fait qu’elle se trouve exactement au carrefour de ces quatre routes partant dans des directions opposées. A Etueffont, comme dans beaucoup d’autres endroits, le carrefour est marqué par un calvaire situé à l’angle de la maison d’habitation des PETITJEAN. Point de départ des chemins de croix du pèlerinage en direction du prieuré de Lamadeleine. En effet, les forges de village étaient généralement situées sur les axes routiers importants à l’entrée ou à la sortie des agglomérations. Le centre du village étant le lieu de rencontre et d’animation de l’activité rurale.
La forge d’Etueffont n’est pas en dehors du village mais sa situation à la croisée des chemins peut être ramenée à un symbolisme ancestral lié au métier du forgeron.
La forge contient cet élément mystérieux de la fabrication du métal et de sa mise en œuvre qui implique l’utilisation des autres éléments primordiaux : l’air, la terre, l’eau et le feu.
Cet élément qui pourrait paraître banal et sans intérêt, est au contraire significatif pour l’ethnologue qui ne peut s’empêcher de reconnaître une charge symbolique du lieu et de son occupant. Reportons-nous en cela à la situation particulière occupée par le forgeron en Afrique où il est soit méprisé et tenu à l’écart, soit investi d’importants pouvoirs magico-religieux.
Nous savons aussi par les nombreuses études ethnographiques consacrées au terrain africain, que le carrefour est l’endroit où l’on pratique les divinations, l’endroit où l’homme remet son destin aux mains des puissances supérieures.
Inutile d’ailleurs de se rendre en Afrique pour relever le symbolisme contenu dans cette notion de carrefour et de son importance. En Europe, de nombreuses significations religieuses et païennes ont été attribuées à ces endroits englobant à la fois la convergence et la divergence des chemins.
La forge est donc à la fois un lieu de rencontre et de séparation, c’est un lieu de vie de tous les jours, un endroit par lequel il faut passer.

Le métier à ferrer
La corne des pieds des animaux de trait s’use plus en marchant sur les chemins empierrés et les routes que celle des bêtes qui vivent dans les pâturages. Il est donc indispensable de protéger cette corne : c’est le but des fers cloués sous les pieds des animaux attelés. C’est le maréchal ferrant qui effectue ce travail.
Dans notre zone de montagne, les chevaux étaient rares. Les bœufs, plus lents mais plus obstinés, leurs étaient préférés. Si le cheval est simplement tenu par la bride pendant que le maréchal ferrant lui ajuste et fixe ses fers, par contre, les bœufs et les vaches d’attelage doivent être solidement maintenus. C’est le but de la petite construction en bois qui est devant vous et qui se nomme « un métier à ferrer » ou encore « travail » ou « ferrou » en patois.
L’animal est placé entre les quatre piliers, la tête prise sous un joug. Deux sangles de cuir passent sous son corps et permettent de le soutenir, mais aussi en cas de besoins, de lui enlever ses appuis au sol en le soulevant s’il se rebelle. A tour de rôle, chaque pied de la bête est posé, maintenu sur un appui en bois pour que le maréchal ferrant pose un ou deux fers spécifiques sous les ongles.
D’autres accessoires (chaînes, sangles) ont pour but de maintenir encore plus fermement les bêtes récalcitrantes ou celles qui vont souffrir. Car le métier à ferrer permet aussi d’immobiliser les bovins blessés ou malades, afin que le docteur vétérinaire puisse les soigner ou pratiquer des petites opérations en sécurité (par exemple la castration des jeunes taureaux pour en faire des bœufs d’attelage) ; le maréchal ferrant est l’auxiliaire naturel du docteur, l’infirmier des bêtes. Il poursuit les traitements prescrits par le vétérinaire et soigne seul les maladies ou blessures simples.
Photo : ©MTCC/Cl. Yves Perton-AMB
La forge
C’est la pièce maîtresse du musée. Le forgeron était l’un des artisans ruraux qui animaient le village ; il tenait la première place dans l’ordre hiérarchique des métiers du terroir. Cet artisan maîtrisait l’art de « manier le feu », chauffer une pièce d’acier à environ 900°C lui donne des propriétés qu’elle ne possède pas à température ambiante. Elle devient malléable et peut être formée. Chauffés vers 1200°C et martelés au marteau, deux morceaux d’acier se soudent et se marient pour ne former qu’un seul élément. Disposés judicieusement de part et d’autres des postes de travail, les outils nécessaires à l’exercice de cet art sont en parfait état de marche et furent légués au musée par le dernier forgeron.

Nous trouvons face à l’entrée, accolé au mur, le foyer où la combustion du charbon de forge permet aux pièces chauffées d’atteindre la température recherchée. Pour activer le feu et monter la température du foyer, deux gros soufflets placés à l’étage et de chaque coté du foyer (celui de droite est visible) peuvent être actionnés. Postérieurement à cette ventilation manuelle, un mono ventilateur fut placé à gauche du foyer par Camille PETITJEAN. Sur l’avant du foyer, une auge en pierre contenant l’eau nécessaire au refroidissement des pièces terminées ou de celles qui devaient être refroidie rapidement afin d’obtenir une plus grande dureté de l’acier de ces pièces (trempe).
A gauche, posée sur un gros bloc de bois, l’enclume (159 Kg d’acier) outil indispensable au forgeron pour la réalisation de tous ses travaux.
Contre le mur à gauche, une panoplie de différents outils : marteaux, tranches, pinces,…nécessaires au travail à chaud des métaux.
Un peu plus à gauche devant l’entrée de l’atelier suivant, une cisaille étampeuse poinçonneuse. Pour pouvoir acheter cette machine puissante, susceptible de « frapper monnaie », Camille PETITJEAN avait dû obtenir une autorisation du préfet.
A gauche de la porte d’entrée, une machine à refouler servant à raccourcir les cercles de roues.
Au plafond, suspendus aux poutres, des fers à chevaux de toutes dimensions.

l'Atelier de charron
C’est le local attenant à la forge, Jules PETITJEAN l’a construit en 1878 en prolongeant le toit de la maison d’habitation sur ce qui était à l’époque une cour, pour servir d’atelier à son beau-frère : Joseph PILLER, charron, puis, en a fait une annexe de sa forge après le départ de ce beau-frère. Ce toit a masqué toute la façade arrière de la maison.
Sur l’aire cimentée, plane et horizontale, surface de référence, le maréchal cerclait ici ses roues de chariots. Un fer plat, coupé à la longueur convenable, était formé à froid à l’aide de la cintreuse, exposée à droite en rentrant. Les deux extrémités soudées par forgeage, le cercle était ensuite chauffé au feu de la forge afin d’obtenir par dilatation la même longueur développée que celle de la roue en bois. Très rapidement, à l’aide de leviers, le cercle était monté sur la roue en bois. L’ensemble était ensuite refroidi à l’eau par arrosage, puis dans une auge remplie d’eau se trouvant devant la fenêtre.
Sur le mur en face, est disposé un arbre de transmission faisant tourner différentes machines placées en dessous. Toutes les courroies sont toujours en mouvement, soit avec la poulie folle. Ce système dangereux est désormais interdit. Sur le panneau explicatif, les différentes étapes de fabrication d’une hache. Posé au sol, un bac en bois contient la graisse de bouc, où le forgeron plonge ses haches pour les tremper.